J'ai fait mes études en éducation spécialisée et pourtant, le mot "dyspraxie" m'était inconnu.
C'est QUOI, la dyspraxie?
Disons d'abord qu'on appelle aussi la dyspraxie 'trouble d'acquisition de la coordination' (ou TAC).
C'est un trouble reconnu parmi les différents troubles de développement des enfants, catégorisé en tant que déficience motrice. Il s'agit d'un dysfonctionnement neuropsychologique
La dyspraxie est le trouble de la planification. Chaque geste du quotidien, incluant avaler, manger, parler, marcher, regarder, sauter, colorier, se brosser les dents, ouvrir une porte, etc., demande une planification du mouvement. Chaque geste est en fait une séquence de petits gestes. On n'y pense pas, lorsqu'on marche. Il faut lever le genou droit, balancer les bras, avancer le pied, équilibrer le corps vers l'avant, redescendre le pied, lever le genou gauche, etc. Tout se fait automatiquement.
Chez un enfant dyspraxique, il n'y a pas cet automatisme. La séquence de mouvements pour effectuer un geste ne s'imprime pas automatiquement dans le cerveau. Chaque fois que le mouvement est répété, c'est comme si c'était la première fois. Ça demande donc au cerveau et au corps beaucoup de travail pour répéter la séquence correctement.
Après PLUSIEURS répétitions du même geste, l'automatisme peut s'installer. Mais encore, rien n'est acquis vraiment, car un geste maîtrisé le lundi peut sembler totalement nouveau le mardi.
De plus, un geste, comme par exemple tirer la langue pour faire une grimace, peut être effectué de façon non-intentionnelle (la langue sort de la bouche en mangeant, par exemple), mais impossible à effectuer sur commande (si on demande "fais-moi une grimace, la langue ne veut pas répondre à la commande qui lui dit de sortir de la bouche).
Dans notre cas, manger et boire, par exemple, sont deux activités qui, malgré les centaines et les centaines de répétition, ne sont toujours pas bien maîtrisées. Manger implique de la planification du geste vers la bouche (prendre une bouchée raisonnable, la diriger vers sa bouche, ouvrir sa bouche en même temps, s'assurer que rien ne tombe, refermer les lèvres sur l'ustensile..). Ensuite, le travail de la langue et des dents est important, pour mastiquer et diriger la nourriture au bon endroit dans la bouche pour être mastiquée, puis dirigée vers la gorge pour être avalée, tout ceci en gardant les lèvres fermées, en s'assurant qu'il n'y a pas de fuite ni rien qui est avalé tout rond.
Un enfant dyspraxique se fatigue plus que les autres. Chaque mouvement et chaque nouvel apprentissage de son quotidien lui demande énormément d'efforts, plus que la normale.
On assiste, chez nous, à une très grande irritabilité de Mélina lorsque les journées sont difficiles ou contrariantes. Elle peut encore dormir 1h30-2h l'après-midi.
La dyspraxie peut atteindre une ou plusieurs sphères du développement. Mélina est atteinte sévèrement au niveau de la motricité fine et de la motricité globale (fine : petits mouvements de la main, par exemple, pour écrire, enfiler des perles, manipuler des petits objets; globale : implique des mouvements plus larges, comme courir, sauter, se déplacer entre des cônes, se tenir en équilibre sur un pied, sauter à la marelle, grimper sur une échelle).
Mélina est également atteinte de façon modérée à sévère au niveau du langage. Parler implique des mouvements de la bouche, de la langue et de la gorge. Certaines lettres ont tardé à apparaître dans ses mots, comme le "f", le "v", d'autres, comme le "l", n'ont pas encore fait leur apparition, ce qui change beaucoup l'allure des mots. Elle se nomme elle-même "Méyina".
L'aspect social est difficile aussi pour les dyspraxiques. Ils ne saisissent pas toujours bien le langage non-verbal, ne respectent pas les règles de proximité des gens, fuient les regards. Ils peuvent aussi avoir de la difficulté à décoder le 2ème degré lors de conversations, ce qui peut porter à confusion.
Entre enfants, l'enfant dyspraxique n'arrive pas toujours à suivre les règles d'un jeu ou même juste suivre les autres, qui rapidement, courent plus vite après le ballon ou savent pédaler à 2 roues.
Ils sont souvent brusques dans leurs mouvements, involontairement. Un jeu de "chamaillage" bien commun, incluant chatouilles aussi, entre un parent et son enfant dyspraxique peut facilement finir en parent blessé.
Ils comprennent difficilement comment tenir une conversation. Il est parfois difficile pour eux de se concentrer sur ce qui est dit, le comprendre, puis y réagir correctement de façon verbale. Donc, on voit souvent des changements de sujets brusques, des phrases qui ne sont pas appropriées dans le contexte ou se faire couper la parole.
On appelle donc la dyspraxie le "handicap invisible". Il affecte tout le développement d'un enfant, parfois considérablement, et pourtant, à première vue, rien n'y paraît vraiment. Ces enfants n'ont pas nécessairement de déficience intellectuelle, ont un QI normal ou supérieur à la moyenne même. Ils apprennent à compenser pendant un moment, comme Mélina qui a appris à se servir de ses yeux pour tenter de combler la difficulté auditive à recevoir et traiter une ou des informations. Ainsi, en lui remettant une feuille de papier et des crayons, il n'est pas rare de la voir se mettre à colorier avant même de recevoir une consigne.
La dyspraxie sévère peut être reconnu par le gouvernement comme un handicap et donner droit à une certaine aide financière. Un traitement en ergothérapie et en orthophonie est bénéfique.
2 comments:
C'est tellement plus facile à comprendre avec tes mots à toi. Merci!
Juliala
Effectivement ce handicap "invisible" est pourtant si présent dans notre quotidien. Mon petit boux est comme Mélina et chaque jour j'essaye de contourner ce handicap qui n'est pas facile à vivre.
Publier un commentaire