Sept lettres dans une valise.

Sept lettres.


Encore une fois, notre vie bascule.
Ce n'était pas suffisant de se sentir submergés par le plus pur et le plus grand amour au monde, il y a de cela 8 ans et 3 mois.
Ce n'était pas suffisant de plonger nos yeux dans le regard le plus brillant et profond qu'il nous ait été donné de voir.
Ce n'était pas suffisant de ne plus jamais prendre pour acquis notre présence sur cette Terre, notre rôle dans la société et l'impact que nous aurions sur nos prochains.

Notre vie bascule.
Sept lettres.

Malgré tout...

Tu es toujours celle qui a le regard turquoise des mers chaudes de si beaux pays.
Tu es toujours celle qui a le rire explosif et contagieux des gens profondément heureux.
Tu es toujours celle qui a les cheveux bouclés d'un petit ange.
Tu es toujours celle que j'aime le plus au monde. Tu es toujours celle-là.

Tu ne comprends pas très bien les émotions des gens.
Tu ne décodes pas le sarcasme, tu ne saisis pas le sens de la blague.
Tu trouves chinois tous ces double-sens, tout ce non-dit que les autres semblent deviner si facilement.
Tu ne sais pas lire le non-verbal des gens que tu côtoies.
Tu ne sais pas comment te faire apprécier des autres enfants, toi qui pourtant a tant à apporter.
Tu as envie d'aimer les mêmes jeux que tes pairs, mais tu préfères tout de même souvent la solitude de ta chambre, la lecture, la vie avec ton frère qui ne te juge pas, les jeux de rôles faits à ta façon et toujours pareils.
Tu voudrais grandir et faire ce que les grandes de ton âge font souvent, mais tu trouves souvent plus de réconfort dans le fait d'aligner tes petites voitures sur le même tapis.
Tu ris parfois lorsque ce n'est pas drôle.
Tu te sens parfois si en colère, sans savoir pourquoi, sans comprendre comment tu t'es rendue là.
Tu n'aimes pas la nouveauté, tu n'aimes pas les surprises, tu n'aimes pas les éclats sauf si c'est toi qui les a provoqués à ta façon unique.
Tu préfères rester à la maison, avec tes jeux connus et sécurisants, que de t'ouvrir sur d'autres intérêts à travers des sorties, des activités.
Tu n'aimes pas la spontanéité, tu préfères la routine.
Tu trouves difficile d'avoir des responsabilités, c'est déjà tellement de travail pour toi que de t'occuper de toi-même.
Tu fais des crises pour ce que nous, les adultes, considérons comme des pécadilles, mais qui pour toi, prennent toute la place.
Tu ne peux pas dormir si ta porte n'est pas bien placée ou si un livre semble en équilibre sur ton bureau.
Tu as brisé maintes et maintes choses, malgré ton âge avancé, parce que tu aimes jouer avec les boutons, les roulettes et les interrupteurs sans pouvoir te contrôler.
Tu as besoin d'aide au quotidien, encore, et tu le sais.

Tu as 8 ans et pourtant, tu n'es pas une petite fille de 8 ans comme les autres.
Tu es la même qu'hier, la même petite perfection que j'ai mis au monde il y a un peu plus de 8 ans. Celle à qui j'ai promis la lune et toutes les étoiles qui brillent, celle à qui j'ai fait la promesse de rendre sa vie belle et enrichissante.
Tu es la même petite perle, tu as la même naïveté dans ton regard, même si celui-ci se teinte doucement avec les épreuves et les murs qui se dressent devant toi.
Toi toute seule n'arrive pas à les bouger, ni même à les contourner.

Je suis encore là.
J'ai ajouté ces sept petites lettres dans notre valise de vie. Elle est lourde. On nous oblige pourtant à la porter 24h sur 24, avec toi. Pour l'instant, tu n'as pas la force de la promener seule. Elle est si pesante. Moi-même, je voudrais bien qu'on m'offre des roulettes pour m'aider, un bras fort pour la traîner avec moi quand je me sens faiblir.

C'est peut-être juste une valise de mots, mais elle est lourde de sens, lourde de vécu, lourde de conséquences.

Cette valise, c'est notre clé pour te comprendre un peu mieux. Avec les mots et les lettres, on la remplit aussi d'outils pour qu'ils t'accompagnent et te facilitent la vie.
J'y mets aussi des mots d'amour, des bisous et des câlins.

Je t'aime ma doudoune. À mes yeux, tu es parfaite. Même quand ils sont remplis de larmes et de douleurs.

Est-ce que quelqu'un pourrait prendre la clé du compartiment à lettres et la jeter très loin?
Je ne veux plus remplir ce compartiment. Il est assez lourd. Je garderai grand ouvert celui des outils et celui de l'amour. Mais l'autre, il a atteint le maximum. Je zippe la fermeture éclair. J'installe le cadenas. Je donne la clé.

Je viens d'y insérer le mot : "autisme".

À propos...

Le quotidien d'une superbe fillette différente. Dyspraxie, syndrôme frontal, trouble déficitaire de l'attention avec impulsivité et trouble anxieux.
Pour vous prouver que la perfection n'est pas là où on la croit!

Blog commun sur la dyspraxie

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